Depuis sa création en 1994, la société par actions simplifiée (SAS) a grandement évolué. De simplification en simplification, ses réformes successives en ont fait l’une des formes sociales les plus répandues en France. Ses avantages sont aujourd’hui si nombreux que de nombreux dirigeants de société à responsabilité limitée (SARL) – autrefois la forme incontournable – décident de transformer leur SARL en SAS.
La SAS est aujourd’hui si flexible et polyvalente, qu’elle s’adresse indistinctement :
- aux entrepreneurs et PME ;
- aux start ups innovantes ;
- à certaines entreprises françaises de plus grande taille, qui souhaitent se structurer par création de filiales ; et
- aux entreprises étrangères, qui retrouvent avec la SAS un fonctionnement comparable à ce qu’elles connaissent déjà (LLC, Ltd…).
SARL et SAS sont deux formes différentes de société commerciale. Elles sont toutes deux à responsabilité limitée et dotées de la personnalité morale ; mais elles présentent chacune leurs avantages et inconvénients, de sorte qu’elles se font aujourd’hui « concurrence ». Il est donc important de comprendre dans quelles circonstances le changement de forme, d’une SARL vers une SAS, peut être indiqué et comment, concrètement, opérer cette transformation.
Cet article présente les avantages que peut présenter une telle transformation, ainsi que les démarches et formalités nécessaires pour la réaliser. En effet, il est important, pour tout dirigeant de SARL, de bien peser le pour et le contre, avant de changer la forme sociale de son entreprise. Il convient en outre d’être conscient des démarches à accomplir et de leur coût, afin d’évaluer la rentabilité concrète de l’opération.
1. Pourquoi transformer une SARL en SAS
Les avantages que présentent la SAS, comparativement à la SARL, sont de plusieurs natures. La plupart a trait à sa grande souplesse statutaire. En effet, comme nous le verrons ci-dessous, le législateur a laissé aux rédacteurs des statuts une très grande marge de manœuvre, quant à l’organisation interne de ce type de société. Il existe également d’autres avantages fiscaux ou sociaux à prendre en compte, en fonction de la situation et des objectifs particuliers des dirigeants.
1.1. La grande flexibilité de la SAS quant à son fonctionnement interne
L’article L. 227-5 du Code de commerce ne saurait être plus clair :
« Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée.«
Art. L. 227-5 du Code de commerce
Ainsi, en dehors de certaines règles relatives à la société anonyme qui s’appliquent à la SAS, le fonctionnement de cette dernière est entièrement déterminé par ses fondateurs, dans l’acte constitutif. Cette grande liberté statutaire permet aux associés de tailler sur-mesure le fonctionnement interne de leur société. Ceci contraste fortement avec le fonctionnement de la SARL, très largement encadré par la loi.
Par exemple, bien qu’il ne puisse y avoir qu’un seul président, les associés pourront lui adjoindre autant de directeurs généraux qu’ils le souhaitent. De même, ils pourront créer de toute pièce les organes de direction (comité de direction, conseil d’administration…) ou de contrôle (conseil de surveillance ad hoc…) de la société.
Ces organes pourront se voir attribuer toutes sortes de prérogatives pertinentes au regard de l’activité commerciale de l’entreprise. Ils pourront même exercer un droit de véto sur certaines questions (par exemple, la passation ou la rupture de contrats importants). Des personnes tierces, en ce sens qu’elles ne sont pas associées de la société, pourront même composer ces échelons de gestion et de contrôle.
Autre aspect important du fonctionnement interne, les statuts de SAS peuvent librement déterminer les règles de quorum et de majorité applicables aux décisions collectives (en dehors de décisions telles que la modification de certaines clauses des statuts ou l’approbation des comptes annuels…).
Cette souplesse se retrouve encore au sujet de la cession des actions. Là encore, les statuts, ou un pacte d’associés ultérieur, peuvent prévoir les conditions dans lesquelles les actions seront cédées (agrément ou pas, incessibilité ou pas, préemption ou pas….).
1.2. La fiscalité avantageuse des cessions de titres d’une SAS
L’un des avantages les plus évidents de la transformation en SAS réside dans le taux d’imposition des cessions de titres. En effet, alors que les cessions de parts sociales donnent lieu au versement de droits d’enregistrement équivalents à 3% du prix de cession (qui s’applique après un abattement égal, pour chaque part, au rapport entre 23.000 (dénomination ?) et le nombre total de parts cédées), les cessions d’actions ne sont, elles, imposées qu’à hauteur de 0,1% du prix.
En conséquence, il devient vite plus intéressant de céder des actions que des parts sociales, spécialement au sein de sociétés à forte valorisation. Il conviendra néanmoins d’être particulièrement prudent lorsque l’une des motivations principales, voire la motivation unique, de la transformation sera de nature fiscale. Effectivement, le risque d’interprétation adverse (abus de droit) de l’administration fiscale sera alors à envisager.
1.3. L’adaptation de la SAS à la structuration en groupe de sociétés
La SAS est tout particulièrement adaptée à la structuration d’une entreprise sous la forme d’un groupe de sociétés.
En effet, rappelons que le président de la SAS peut aussi bien être une personne physique qu’une personne morale (art. L. 227-6 et L. 227-7 du Code de commerce). Par opposition, le gérant d’une SARL ne peut être qu’une personne physique. Or, le fait de désigner une seule et même société holding (laquelle pourra d’ailleurs demeurer une SARL) comme président de toutes les filiales SAS d’un groupe est pertinent à bien des égards.
Cela permet, notamment, de centraliser dans une seule structure certains aspects de l’activité commerciale communs à toutes les filiales (gestion des ressources humaines, comptabilité, détention de droits de propriété intellectuelle…). Cela permet également de faire remonter vers une seule holding des rémunérations au titre du mandat social. Le rôle de mandataire social (direction, gestion, représentation…), ainsi que les différents services fournis par la société mère, la holding présidente, à ses sociétés filles, les SAS filiales, pourront ainsi donner lieu à rémunérations. Sous certaines conditions, cette rémunération pourra donc prendre la forme, d’une part, d’une rémunération au titre du mandat social et, d’autre part, de la contrepartie des prestations de services centralisées.
Ce sont là des atouts non-négligeables d’optimisation, que présente la transformation de filiales en SAS, dans le cadre de la structuration d’une entreprise en groupe de sociétés.
1.4. L’assujettissement des dirigeants de SAS au régime général de sécurité sociale et les prélèvements sur dividendes
A. Des différences majeures subsistent entre TNS et TAS
Le régime de cotisations sociales des dirigeants est l’un des critères déterminants, au moment de choisir la forme de sa société, ou de s’interroger sur sa transformation. En effet, alors que les gérants-majoritaires de SARL sont soumis au régime des travailleurs non-salariés (TNS), les président et directeurs généraux de SAS sont en revanche soumis au régime des travailleurs assimilés salariés (TAS).
Cette distinction est fondamentale. Bien que tous les travailleurs indépendants soient désormais rattachés à la CPAM pour les prestations santé, leur régime de prélèvement demeure distinct du régime général. En découle un niveau de cotisation (et donc de protection) plus faible que celui des salariés du privé.
Concrètement, les charges sociales (patronales et salariales cumulées) des TAS s’élèveront à environ 70-80 % de la rémunération salariale nette versée au dirigeant. En revanche, celles des TNS représenteront environ 45 % seulement, mais prendront pour base l’ensemble des rémunérations perçues. Pour en savoir plus, le site de la BPI résume bien les différences de régime et de garanties.
B. La flat tax et l’unification de la fiscalité des dividendes
Les dividendes distribués à des personnes physiques, c’est-à-dire la part des bénéfices distribuée aux associés, après acquittement, par la société, de l’IS, sont soumis :
- d’une part à l’impôt sur le revenu (IR) ; et
- d’autre part aux prélèvements sociaux.
S’agissant de l’IR, depuis le 1er janvier 2018 et l’instauration de la flat tax, le principe est que les dividendes sont soumis à un prélèvement forfaitaire unique (PFU). Ce PFU induit l’application d’un taux unique d’impôt sur le revenu (12,8%) à l’ensemble des dividendes.
Par exception, il est possible d’opter pour le barème progressif. Dans ce cas, un abattement de 40% pourra être appliqué sur le montant des dividendes bruts. Cette option peut être avantageuse, selon son taux marginal d’imposition.
Quoi qu’il en soit, ces niveaux d’imposition sont valables que la société soit une SAS ou une SARL. Il n’y a donc plus, aujourd’hui, de différence entre ces deux formes sociales, du point de vue de la fiscalité des dividendes.
C. Des différences non-négligeables subsistent quant aux prélèvements sociaux sur dividendes
Là où subsiste une différence, c’est en ce qui concerne les prélèvements sociaux sur ces dividendes :
- Ils sont de 17,2 % dans une SAS ; et
- Ils peuvent s’élever jusqu’à environ 40% dans une SARL pour la part supérieure à 10% du montant du capital de la société (augmenté des primes d’émission et des versements en compte courant).
Plus importantes en SARL, ces cotisations impliquent cependant plus de garantie (gain de points de retraite par exemple). Il faut noter également que ces cotisations sont déductibles du bénéfice, de sorte qu’elles feront économiser une partie de l’impôt sur les sociétés.
En somme, il est fondamental de réaliser un arbitrage méthodique, en amont et avec votre comptable, afin de déterminer, au regard de vos modalités de rémunération et objectifs personnels, quelle forme sociale est appropriée, au plan social. Dans certains cas, ces différences de régime social applicable peuvent représenter des surcoûts ou, au contraire, des opportunités d’optimisation à ne pas manquer.
1.5. L’attractivité de la SAS pour les investisseurs
Il est indéniable que la SAS jouit d’une image moderne, là où la SARL est associée aux structures familiales plus traditionnelles.
Au-delà de cette « image moderne » dont bénéficie la SAS, ses spécificités la rendent objectivement bien plus attractive pour les investisseurs. En effet, la grande flexibilité de cette forme sociale permet d’organiser comme on le souhaite (notamment via un pacte d’associés) :
- les modalités de cession de titres ;
- la direction et le contrôle de la société ;
- les droits attachés à certaines catégories d’actions ;
- l’émission d’obligations ;
- l’entrée progressive des investisseurs au capital (par exemple sous la forme de souscriptions d’obligations convertibles) ; ou encore
- les modalités de sortie pour les investisseurs…
La SAS est ainsi la structure toute désignée lorsque coexistent, au sein de la société, des associés qui y travaillent ou y apportent un talent spécifique et des associés au rôle passif de financeurs de l’activité. Les contraintes administratives et de secrétariat juridique sont moindres et la liberté plus grande, de sorte que l’on peut faire correspondre le fonctionnement concret de la société aux spécificités de son activité.
1.6. Les options d’intéressement au résultat des salariés offertes par la SAS
Autre avantage, particulièrement cher au rédacteur de ces lignes, la SAS permet d’intéresser les salariés de la société à son résultat. En effet, pour permettre aux dirigeants de fidéliser les salariés de la société et/ou de récompenser la performance de certains de ses travailleurs clés, le législateur a ouvert la possibilité de leur attribuer gratuitement des actions de la société.
Il existe également le mécanisme des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE). Il s’agit, dans ce cas, de délivrer, aux salariés ou dirigeants salariés, un bon d’achat d’actions de la société à un certain prix. La revente du titre permettra à son bénéficiaire de réaliser une plus-value à terme.
Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur les modalités et les conditions fiscales de ces modes d’attribution. Dans le cadre de cet article, mentionnons simplement que la SAS offre, contrairement à la SARL, plusieurs possibilités d’intéresser les salariés au résultat de la société, dans des conditions qui ne déstabilise pas son actionnariat et qui sont sécuritaires du point de vue de la titularité des actions. C’est là un des nombreux avantages qui découlent de sa grande flexibilité.
2. Comment transformer une SARL en SAS
La transformation d’une SARL en SAS peut se faire relativement rapidement (compter entre 3 semaines et un mois). Il s’agit toutefois d’une opération soumise à un formalisme exigeant. C’est aussi l’occasion d’actualiser et optimiser le fonctionnement de l’entreprise. Vous trouverez, ci-dessous, les différentes étapes et formalités à accomplir pour concrétiser cette transformation.
2.1. Le rapport du commissaire à la transformation ou du commissaire aux comptes
Le Code de commerce impose, comme préalable à toute transformation de SARL en SAS, le dépôt, au greffe du tribunal de commerce compétent, d’un rapport comptable sur la transformation. Ce rapport doit être préparé par le commissaire aux comptes de la société ou, lorsqu’elle n’en dispose pas, par un comptable spécialement désigné à cet effet.
A. La désignation du commissaire à la transformation
En l’absence de commissaire aux comptes, il conviendra, tout d’abord, de désigner le commissaire à la transformation. Cela se fait par une décision de la collectivité des associés (par exemple via un acte exprimant leur décision unanime). Cet acte, outre les mentions inhérentes à toute décision collective, désignera précisément le commissaire à la transformation choisi et décrira la mission qui lui est confiée (en conformité avec les articles L. 224-3, R. 224-3 et R. 123-105 du Code de commerce).
Cette désignation étant faite, ledit commissaire peut commencer sa mission.
B. La préparation et le dépôt du rapport à la transformation
La mission confiée au commissaire à la transformation consiste à apprécier, sous sa responsabilité :
- la valeur des biens composant l’actif social ;
- le montant des capitaux par rapport au capital social ;
- les avantages particuliers éventuellement octroyés ; et
- dresser un rapport à ce sujet.
Ce rapport étant établi, le Code de commerce impose de le déposer au Greffe, huit jours au moins avant la date de l’assemblée générale ou de la consultation appelée à statuer sur la transformation. De même, ce rapport doit être communiqué aux associés et tenu au siège pour consultation pendant huit jours avant cette date. Le dépôt au greffe donne lieu au paiement de frais d’enregistrement (15,27 €).
2.2. La modification des statuts de la société
La société ayant vocation à adopter une nouvelle forme sociale, sans création de personne morale, ses statuts doivent être modifiés.
Il s’agit alors naturellement de rendre ces statuts compatibles avec le régime légal applicable aux sociétés par actions. Au-delà de cette simple adaptation, la modification des statuts de la société nous semble surtout constituer une bonne opportunité de procéder à l’optimisation de son fonctionnement. En effet, le dépôt de statuts modifiés au greffe coûte suffisamment cher pour ne pas saisir cette chance de peaufiner le fonctionnement interne. La gouvernance a-t-elle vocation à évoluer ? Les conditions de cession de titres peuvent-elles être assouplies ? Peut-on rendre la société plus attractive pour les investisseurs ? Y-a-t-il besoin d’apporter des éléments de protection supplémentaires pour certains associés ?
Les statuts modifiés pourront être signés et certifiés conformes, une fois que les dirigeants de la SAS auront été désignés et que les statuts amendés auront été approuvés par la collectivité des associés.
2.3. La décision collective de transformation de la société
Il revient naturellement à la collectivité des associés de statuer, in fine, sur la transformation. Lorsque les statuts de la SARL auront été bien rédigés, il sera possible d’acter la transformation par simple acte unanime signé par tous les associés. Lorsque cette possibilité n’aura pas été prévue, il conviendra de convoquer la tenue d’une assemblée générale en bonne et due forme.
Quelle que soit la modalité retenue, les associés devront statuer sur :
- l’approbation du rapport de la gérance sur la transformation, le cas échéant ;
- l’approbation du rapport du commissaire à la transformation ;
- la transformation de la société en SAS à proprement parler et ses conséquences légales ;
- l’approbation des statuts modifiés de la société sous sa nouvelle forme ;
- la désignation du président et de du(es) directeur(s) général(aux), le cas échéant ; et
- l’attribution d’un mandat de procuration (« pouvoirs ») au mandataire de la société aux fins de réaliser la formalité de dépôt, du dossier complet, auprès du greffe.
2.4. La publication d’une annonce légale de transformation
Afin de rendre le changement de forme sociale opposable aux tiers, il est nécessaire de publier une annonce dans un journal habilité à recevoir les annonces légales. Cette annonce, onéreuse, est effectuée par un journal qui publie dans le département du siège social de l’entreprise. Un soin tout particulier doit être apporté aux mentions obligatoires à toute publication et à celles pertinentes au regard de la transformation.
Ainsi, si la transformation peut prendre effet au jour de la décision collective, ce n’est qu’à compter de la publication de l’annonce légale qu’elle sera opposable aux tiers.
2.5. L’enregistrement de l’acte de transformation auprès du service dédié des impôts
L’administration fiscale est concernée par la transformation. Effectivement, il est obligatoire de déposer l’acte par lequel la collectivité des associés a décidé de la transformation (P-V d’AG, consultation ou acte unanime) auprès du service de l’enregistrement territorialement compétent. Cet enregistrement donne lieu au paiement d’un droit s’élevant en principe à 125 €.
Sans la preuve (cachet officiel) de cet enregistrement, le greffe du tribunal de commerce refusera de concrétiser la transformation.
2.6. Le dépôt du dossier complet de transformation auprès du greffe du tribunal de commerce compétent
L’ensemble des formalités rappelées ci-dessus étant accomplies, la dernière étape consiste à déposer le dossier complet de transformation au greffe du tribunal de commerce compétent (CFE unique).
C’est habituellement le mandataire de la société, c’est-à-dire le comptable désigné comme commissaire à la transformation ou l’avocat intervenant pour les aspects juridiques, qui se charge de ce dépôt. Afin de gagner du temps, le cabinet CITIZEN effectue cette formalité par voie dématérialisée et sécurisée.
Dès lors que le dossier comprend l’ensemble des éléments nécessaires au plan légal et réglementaire, le greffe inscrit la transformation au registre du commerce et des sociétés (RCS) et adresse les extraits K-bis à jour, justifiant de cette transformation.
3. Conclusions sur la transformation d’une SARL en SAS
Comme vous l’aurez compris, la transformation d’une SARL en SAS peut avoir de nombreux avantages, à condition d’avoir bien pesé le pour et le contre en amont auprès de son comptable et de son avocat. Economies substantielles, optimisation du régime social, adaptation de la société à l’évolution de son activité, attraction d’investisseurs… les bénéfices peuvent être nombreux!
La transformation à proprement parler obéit cependant à un formalisme contraignant, tant du point de vue des mentions à rapporter sur chacun des actes, que de la chronologie à respecter. Aussi, n’hésitez pas à nous contacter, si vous vous interrogez sur l’opportunité de transformer votre SARL en SAS.