La lettre d’intention, fréquemment appelée « LOI » en pratique (pour « Letter of Intent ») est un document, rédigé sous forme de lettre ou de déclaration, par lequel l’auteur fait part au destinataire de son intention sérieuse d’engager ou de poursuivre des négociations avec lui. La LOI formalise donc une volonté d’entrer en pourparlers (au sens de l’Art. 1112 du Code civil) et vise à instaurer une relation de confiance et de professionnalisme entre les parties ( en général le vendeur et l’acquéreur). Surtout, ce document permet d’esquisser les contours de la future transaction, sans obliger les parties à cet égard. Comme nous le verrons, la LOI a de multiples vertus (I), pourvu qu’elle soit utilisée à bon escient (II).
I. Pourquoi signer une lettre d’intention
En droit Français, les négociations (ou pourparlers) sont naturellement peu réglementées. Le principe cardinal de la liberté contractuelle implique que toute personne capable est libre de conclure ou ne pas conclure. Chacun peut donc de négocier comme il l’entend les conventions privées qui l’intéressent. La seule limite à cette liberté est celle qui borne toutes les relations privée : « les contrats doivent être négociés […] de bonne foi » précise l’Art. 1104 du Code civil. Ceci dit, en pratique, au plus un contrat est important (enjeux financiers, technicité juridique, délais et conditions suspensives…) au plus il est utile d’organiser le processus tendant à sa conclusion.
1.1. La LOI facilite les négociations, en concrétisant une intention sérieuse de conclure
L’un des premiers avantages de ce document est de manifester une intention sérieuse et professionnelle de conclure le contrat en cause. Le fait de s’entourer de professionnels et décrire les contours de la transaction envisagée est particulièrement apprécié. Cela témoigne d’une approche méticuleuse très rassurante. Lorsque plusieurs acquéreurs potentiels sont en concurrence, cela peut même faire toute la différence (l’exclusivité étant accordée à l’auteur de l’exclusivité).
C’est un formidable coup d’accélérateur, puisque les parties peuvent déjà y exprimer leur accord de principe sur des éléments importants de la transaction. Cela concerne bien sûr l’objet de la transaction : quel(s) bien(s) est(sont) concerné(s) concrètement ? Il peut également s’agir de délais prévisionnels (e.g. pour conclure un compromis, pour lever telle condition suspensive, pour réitérer la cession, etc.), ou encore d’une répartition rationnelle des frais et formalités entre les parties. Le prix, ou a minima une fourchette ou un mode de calcul, est bien sûr abordé. L’on peut également identifier certains éléments à déterminer plus tard (un audit, un diagnostic, une analyse, la communication de documents…).
Comme nous l’avons dit, les parties sont très libres à ce stade. Aucun formalisme obligatoire ne s’impose.
Pour les opérations les plus complexes, les lettres d’intention peuvent devenir de véritables inventaires à la Prévert. L’exhaustivité présente en effet trois avantages :
- S’assurer que chaque partie a bien conscience des obligations qu’elles s’apprête à souscrire ;
- Dresser une sorte de carte, que les rédacteurs d’acte suivront pour consacrer l’accord des parties ; et
- Maximiser les chances que le deal se fasse, tout en réduisant le risque de litiges (l’imprécision étant le terreau le plus fertile).
Aussi détaillée qu’elle soit, la LOI n’est normalement pas contraignante. Chaque partie demeure in fine libre de conclure ou ne pas conclure. La lettre d’intention se distingue donc radicalement de l’offre, qui « faite à une personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation […] » (Art. 1114 du Code civil). Comme nous le verrons, cette distinction mérite d’ailleurs d’être clairement rappelée dans le corps du texte.
Les maître-mots de la LOI sont : précision, efficacité, sécurité et souplesse.
1.2. La LOI encadre les négociations, en mettant certaines obligations à la charge des parties
Certes, la LOI n’est pas contraignante en ce qui concerne la conclusion du contrat, ni le respect des futures clauses. Il est néanmoins possible de faire exception à ce caractère non-contraignant.
Cette exception concerne tout d’abord l’exclusivité des négociations. L’idée est ici de garantir que, pendant une certaine période, seules les parties signataires négocierons cette transaction. Elles pourront ainsi engager des frais (expert-comptable, avocat…) en toute sérénité, sans se préoccuper des tiers. Réciproquement, elles sont incitées à faire avancer leurs discussion au maximum et conclure l’acte avant l’expiration de ce délai. Concrètement, l’exclusivité se traduit en une obligation de ne pas faire (ne pas négocier avec un tiers jusqu’à l’expiration de la période). En cas de violation de cette exclusivité, des remèdes existent, qu’ils soient ou non prévus expressément dans la LOI (e.g. dommages-intérêts).
L’exception concerne ensuite la confidentialité des échanges d’information. Compte tenu du caractère sensible des données et documents échangés, il convient d’en interdire la divulgation aux tiers. Ce n’est qu’une fois sanctuarisé, que le partage d’informations peut se faire en toute transparence. Rappelons qu’il incombe à « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre [de l’en] informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant » (Art. 1112-1 du Code civil). Les parties peuvent même imposer le recours à un procédé technique (data room sécurisée, e-mail encryptés, non-conservation…) Là encore, la violation de cette obligation pourra être sanctionnée par les juridictions (tribunal judiciaire, de commerce ou arbitral).
Enfin, la signature d’une LOI décourage les parties de rompre brutalement leurs négociations. Par « brutalement », il faut entendre sans raison valable, de mauvaise foi, de façon vexatoire… La rupture abusive des pourparlers (qui est une cause bien connue d’engagement de la responsabilité délictuelle) sera plus facilement établie en présence d’une LOI, dont le but est justement qu’elles soient bien menées.
II. Comment rédiger une lettre d’intention
Seule une LOI bien rédigée permettra à son auteur de bénéficier des avantages rappelés ci-dessus. Sans être exhaustifs, voici quelques conseils pragmatiques en la matière.
2.1. La lettre d’intention doit être une invitation à entrer en pourparlers ; pas une offre ferme
Sauf exceptions (exclusivité, confidentialité…), la lettre d’intention ne doit pas être contraignante : il ne s’agit pas d’un contrat en bonne et due forme. La rédaction de la LOI est fondamentale. Indépendamment de la volonté subjective du rédacteur, une mauvaise rédaction pourra entrainer une requalification (en offre ferme par exemple). Combien de lettres d’intention rédigées comme des offres voyons-nous encore passer (notamment pour des transactions immobilières très onéreuses…) ?! Or, la chose est grave : en cas d’acceptation, il y a contrat. Et qui dit « contrat » dit possible exécution forcée. Loin d’être une hypothèse théorique, nos juridictions ont au contraire fréquemment à connaître de ce type de contentieux.
N’oublions pas que le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposées. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquelles elles entendent limiter ce débat » (Art. 12, al. 2 & 3 du Code de procédure civil).
Ce risque est pourtant facilement évitable. Un simple paragraphe explicatif peut suffire :
« La présente lettre d’intention constitue seulement un document de pourparlers (au sens de l’Art. 1112 du Code civil). Elle ne saurait par conséquent en aucun cas être considérée comme une offre ferme (régie par les Art. 1114 et suivants du même Code). A l’exception de ses articles (confidentialité et exclusivité), elle n’emporte donc aucune charge, obligation, ni engagement contraignant ».
Exemple de rédaction
Naturellement, le reste du document devra être rédigé de façon cohérente. L’on pense notamment à l’emploi du conditionnel :
« Vous trouverez, ci-après, certains éléments que je souhaiterais voir apparaître dans la promesse synallagmatique de vente et d’achat (ci-après « le Compromis ») que nous pourrions, éventuellement, être amenés à conclure ».
Exemple de rédaction
Le but est de faciliter la conclusion d’un contrat, dont le contenu et la portée restent à définir, en cas d’aboutissement favorable des négociation ; en aucun cas de se retrouver « pieds et poings liés« .
2.2. La lettre d’intention doit être précise et adaptée à la transaction envisagée
La lettre d’intention doit être précise. Celle-ci étant généralement le premier document signé par les parties, il convient de définir précisément l’objet et les modalités de la négociation. Une lettre d’intention imprécise, fantaisiste ou irréaliste ne facilitera pas les négociations, bien au contraire ! Son auteur devra dont, notamment, prêter attention aux éléments suivant :
- Quel est l’objet du futur contrat ? Des parts de société : lesquelles ? Un fonds de commerce : composé de quels éléments matériels et immatériels ? Un immeuble : quels lots ? quelles sections cadastrales ?
- Qui seront les parties à la transaction ? Des personnes physiques ou morales ? Des sociétés d’ores-et-déjà constituées ou à constituer pour l’opération ? Avant ou après restructuration ?
- De quel prix parle-t-on ? Un prix déterminé ou à déterminer ? Selon quel calcul et jusqu’à quel montant ? Fixe ou variable ? Parfaitement connu ou sous réserve d’inventaire ?
- Quelles conditions suspensives sont prévisibles ? Relatives au financement : obtention d’un prêt ou participation d’un investisseur ? Concernant le bien lui-même : réalisation d’audits ou de diagnostics complémentaires ? Dépendant des tiers : renonciation à un droit de préemption ou agrément préalable ?
Les sujets sont multiples et il serait évidemment impossible d’en dresser une liste exhaustive.
Nous vous invitons en outre à prendre en considération les particularismes du secteur économique. Cela peut paraître évident, mais l’on ne négocie pas le rachat d’un domaine viticole bordelais de la même façon qu’un investissement dans une société américaine ; la cession d’une exploitation ostréicole en Charente-Maritime comme un pub irlandais à Paris. Les aspects humains et subjectifs doivent être pris en compte. Une lettre d’intention parfaite sur le fond, pourra s’avérer totalement hors propos sur la forme.
Conclusions générales sur la lettre d’intention
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de tout ce qui précède ?
D’abord que la LOI mérite d’être envisagée dès qu’une négociation technique, importante ou difficile s’annonce. Ses multiples avantages militent indiscutablement en faveur d’une généralisation de la pratique. Ensuite que ce document, bien que souple et pragmatique, doit être minutieusement rédigé par, ou en étroite collaboration avec votre Conseil. Cette étape de rédaction sera d’ailleurs le moment opportun de mettre en relation les différents professionnels qui vous accompagnent (expert-comptable, avocat, notaire, conseiller bancaire…).
Pour plus d’informations concernant la rédaction d’une lettre d’intention, nous vous invitons à prendre directement contact avec notre équipe.