L’achat d’un bien immobilier est toujours un sujet passionnant. Le schéma classique d’acquisition est bien connu. Seul ou à plusieurs, directement ou par l’intermédiaire d’une société, l’acheteur, souvent assisté d’un agent immobilier, signe un compromis, puis réitère la vente devant un Notaire. Le prix, les frais et taxes afférents sont payés, et le titre est publié, afin de rendre la propriété opposable aux tiers. Ce n’est cependant pas la seule façon d’acheter un bien immobilier! Il existe effectivement une seconde voie, bien moins que connue que la première : celle des enchères judiciaires.
La procédure par laquelle un bien immobilier est acquis aux enchères devant un tribunal s’appelle l’adjudication. Techniquement, l’adjudication désigne la déclaration formelle par laquelle un juge, qui supervise la vente aux enchères d’un bien immobilier, l’attribue à la personne qui a porté la meilleure offre à son audience et, par extension, l’ensemble des formalités subséquentes permettant au transfert de propriété de produire ses pleins effets et d’être opposable aux tiers.
En général, la vente aux enchère intervient lorsqu’un créancier (e.g. une banque) a saisi un bien (e.g. au titre d’une sûreté hypothécaire). Ce créancier, qui n’a aucun intérêt à conserver ce bien, va chercher à le liquider. Pour ce faire, il doit organiser lui-même une vente aux enchères (des avocats spécialisés le font pour lui) devant le tribunal compétent.
Ces ventes aux enchères sont autant d’opportunités d’acquérir des biens en dessous de leur valeur de marché. Le processus est cependant totalement différent d’une vente à l’amiable.
Il est donc utile de rappeler les spécificités de l’adjudication (1°), ainsi que les conditions légales pour y participer (2°). Sujet fondamental, les coûts de l’adjudication sont détaillés en fin d’article (3°).
1. Les principales spécificités de la vente aux enchères
Le processus d’acquisition d’un immeuble aux enchères n’est pas très connu. Pourtant, chaque jour, de nombreux biens sont vendus devant les tribunaux, en dessous de leur valeur marchande. Dans le contexte inflationniste actuel, il y a donc de véritables aubaines à faire. Afin de profiter pleinement de cette opportunité, il est essentiel de connaître les règles de l’adjudication.
1.1. Le bien est acquis sans aucun recours pour l’acquéreur
Il est essentiel de comprendre que la vente aux enchères ne confère à l’acheteur aucun droit de recours ultérieur concernant le bien. Ce type de vente est en effet un processus strictement judiciaire. Aucun notaire ou agent immobilier n’est donc impliqué. En outre, l’un des principaux objectifs de l’adjudication est de faciliter le recouvrement des dettes. C’est pourquoi l’acquéreur est moins protégé que dans une vente classique.
Toutes les informations relatives au bien mis aux enchères sont contenues dans un document unique, appelé cahier des conditions de vente. Ce document est établi par le créancier poursuivant (c’est-à-dire, concrètement, le Conseil de la banque). Le procès-verbal descriptif dressé par l’Huissier qui a effectué la saisie peut également être utile. D’une manière générale, les informations disponibles sont moins précises que celles habituellement fournies par les agents immobiliers et Notaires.
Le bien est pourtant acquis dans l’état où il se trouve, sans aucun recours de l’adjudicataire contre le créancier poursuivant, le Conseil de celui-ci, ni aucun tiers, y compris les propriétaires précédents. L’adjudicataire ne pourra donc invoquer aucune erreur, omission ou inexactitude dans la description du bien, ni contester son état au jour de la prise de possession.
Il va sans dire que nous attirons systématiquement l’attention de nos Clients sur cette absence de recours. Nous passons soigneusement en revue avec eux les stipulations du cahier des conditions de vente. Nous les encourageons également à visiter la propriété, si possible accompagnés de toute personne compétente.
1.2. L’adjudication entraîne le transfert immédiat de la propriété et des risques
Dès qu’il est déclaré adjudicataire, le dernier enchérisseur devient propriétaire du bien. Ce transfert de propriété, qui s’opère immédiatement du fait de l’adjudication, induit qu’il devient entièrement responsable de l’immeuble acquis. A compter de cette date, il répond donc de tous les risques (e.g. incendie, dommages causés aux tiers…).
C’est pourquoi nous conseillons toujours à nos Clients de souscrire une police d’assurance (sous condition suspensive), contre tous les risques du bien, avant même que l’audience d’enchères ait lieu.
Bien qu’il devienne immédiatement propriétaire, l’adjudicataire n’est autorisé à passer aucun acte de disposition sur le bien (à l’exception des sûretés hypothécaires permettant de financer l’acquisition) avant d’avoir séquestré l’intégralité du prix de vente et des frais annexes. L’entrée en jouissance pleine et définitive étant ainsi conditionnée, il n’est pas non plus autorisé à effectuer des modifications notables entre temps (démolition, coupe de bois, dégradation du bien, rénovations, etc.).
1.3. La vente aux enchères est un processus contingent par nature
Evident, n’est-ce pas ? Par définition, seul le dernier enchérisseur est déclaré adjudicataire et propriétaire du bien. Pendant une période – toujours un peu angoissante – de 10 jours suivant l’audience, toute personne peut faire une surenchère, à condition de renchérir d’au moins un dixième du prix de vente. Dans ce cas, une nouvelle audience d’adjudication a lieu.
Au-delà de cette condition, liée au déroulement de l’audience et au prix que chaque participant est prêt à payer, l’acquisition définitive du bien dépendra naturellement du paiement du prix. Une fois déclaré adjudicataire, et une fois le délai de surenchère de 10 jours écoulé, il est indispensable de payer le solde du prix, dans le délai légal de deux mois. Tout retard de paiement peut entraîner l’application d’intérêts et pénalités, voire la remise complète du bien en enchère! Or, en cas de remise aux enchères, toutes les sommes séquestrées sont irrévocablement perdues pour l’adjudicataire défaillant !
Il va sans dire que la participation aux enchères est une décision sérieuse, qui doit être motivée par la volonté d’acquérir le bien.
2. Les conditions légales de participation aux enchères
Nous venons de voir les principales caractéristiques du processus d’adjudication. Voyons maintenant quelles conditions légales doivent être respectées pour y participer.
2.1. Les conditions de droit commun
L’acquisition d’un immeuble par voie d’adjudication est, à l’évidence, un acte civil majeur.
C’est pourquoi, toute personne qui souhaite se porter enchérisseur doit être en mesure de démontrer :
- qu’il est majeur ;
- qu’il est sain d’esprit et pleinement capable ;
- qu’il n’est pas en état de surendettement ;
- qu’il n’a pas été condamné pour des faits dits de « marchand de sommeil » (i.e. la mise à disposition onéreuse de logements insalubres) ni interdit pour quelque raison que ce soit d’acquérir un bien ; et
- qu’il est suffisamment indépendant vis-à-vis des autres parties à la procédure (e.g. qu’il n’est ni le curateur, ni le tuteur du débiteur saisi, qu’il n’a pas été mandaté comme agent immobilier pour ce même bien, qu’il n’a pas géré ce bien en qualité de fiduciaire, etc.).
Nous effectuons naturellement toutes ces vérifications préliminaires avec nos Clients, en amont de l’audience. Nous leur faisons signer toutes les déclarations pertinentes qui pourront être transmise au Greffe du Juge de l’exécution.
2.2. La représentation par Avocat
Il est strictement interdit de participer en personne à une audience d’adjudication. Il faut impérativement être représenté par un Avocat. Cet Avocat doit, de surcroît, être choisi au sein du Barreau correspondant au tribunal devant lequel les enchères ont lieu. Compte tenu des garanties que l’enchérisseur doit fournir lors de l’audience et de la technicité des formalités ultérieures, cette assistance obligatoire est d’ailleurs précieuse.
Votre Avocat vous fera signer un pouvoir spécial, l’habilitant à porter enchère jusqu’à un certain montant. Vous pourrez bien sûr assister à l’audience, mais en aucun cas votre Avocat ne dépassera le montant indiqué sur sa procuration. Chaque Avocat a sa propre technique pour surmonter cette difficulté. Chez Citizen Avocats, nous attachons une grande importance au dialogue avec nos Clients. C’est pourquoi nous fixons deux plafonds d’enchère avec eux :
- un premier plafond, officieux, correspondant au budget des Clients ; et
- un second plafond, officiel (celui indiqué sur le pouvoir), qui est légèrement supérieur et offre ainsi un peu de souplesse le jour de l’audience.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les audiences d’adjudication sont captivantes. Lorsque les enchères approchent du premier seuil, nous informons nos clients avec prudence. S’ils souhaitent le dépasser, nous prenons le temps de leur rappeler les conséquences de leur décision et leur demandons leur confirmation éclairée. Quoi qu’il arrive, nous ne dépassons jamais le deuxième seuil, indiqué sur la procuration : c’est la stricte limite de notre mission.
2.3. Les garanties financières
Les usages peuvent légèrement différer, d’un Tribunal à l’autre. Devant le Tribunal Judiciaire de Bordeaux, il vous sera seulement demandé de produire un chèque de banque, ou une garantie bancaire, représentant 10% de la première mise à prix (avec un minimum de 3.000 €), conformément au Code des procédures civiles d’exécution. A défaut, aucune enchère ne sera acceptée et vous ne serez en aucun cas reconnu adjudicataire. Cette vérification est effectuée directement par le juge au terme de chaque enchère.
Les fonds liés à la vente seront gérés par votre Avocat et celui du Créancier, ainsi que le service maniement de fonds de leur Barreau en toute sécurité, sur des comptes séquestres désignés. Nous vérifions bien sûr la suffisance et l’origine des fonds et tenons informés nos Clients de leurs obligations, ainsi que des délais de paiement.
3. Les frais, honoraires, émoluments et droits afférents à la vente aux enchères
Si les enchères judiciaires permettent souvent d’acquérir des biens à un prix inférieur à leur valeur de marché, il est important de connaître les coûts annexes à la vente, qui sont substantiels. Bien qu’aucun Notaire ne soit impliqué dans la transaction, certains coûts, émoluments, frais et taxes doivent être anticipés, afin de déterminer un budget d’enchère.
3.1. Les « frais taxés » et l’émolument fixe de l’Avocat du créancier poursuivant
A l’issue de l’audience, les frais de procédure, aussi appelés « frais taxés » sont déterminés par le juge. Ils comprennent les frais de la procédure de saisie et de vente aux enchères, ainsi que l’émolument fixe dû à l’Avocat du créancier pour le travail qu’il a effectué. Ces frais sont à la charge de l’adjudicataire. Ils sont généralement payés par chèque à l’ordre du compte séquestre ou par virement bancaire. L’Avocat du créancier les redistribue ensuite entre son client (pour les frais avancés) et lui-même (pour l’émolument fixe). Le délai légal de consignation de ces frais de procédure est de deux mois. Certains cahiers des conditions de vente prévoient des délais plus courts.
Le montant de ces frais varie systématiquement, notamment en fonction de l’ampleur du travail de l’Avocat du créancier. De manière générale, ils sont compris entre 6.000 et 10.000 €.
3.2. Les droits de mutation du Trésor public
Le jugement d’adjudication est transmis par le greffier du Tribunal Judiciaire à l’administration fiscale. Cette dernière ne se fait pas attendre pour envoyer à l’Avocat de l’adjudicataire un appel de droits de mutation.
Ces droits de mutation sont en principe calculés comme suit :
- Droit départemental : 4,50% du prix de vente ;
- Taxe communale : 1,20% du prix de vente ; et
- Frais d’assiette : 2,37% du droit départemental.
Ces droits doivent être payés au plus tard un mois à compter de l’appel de l’administration, sous peine d’application d’intérêts moratoires punitifs.
3.3. Les frais de publicité foncière
Comme toute transaction immobilière, l’adjudication doit être publiée par le service de la publicité foncière pour être opposable aux tiers. Cette étape est indispensable pour que la propriété de l’adjudicataire soit pleinement effective. Une fois l’acte de propriété définitif remis par le Greffe à l’Avocat de l’adjudicataire, ce dernier le transmet au Service de la publicité foncière, qui le publie avec mention de la saisie en marge des hypothèques.
Ce processus coûte 0,10% du prix final, auquel il faut ajouter quelques sommes mineures pour la délivrance d’un état sur formalités, la mention en marge des hypothèques et la restitution du titre.
3.4. Les émoluments proportionnels des Avocats du créancier poursuivant et de l’adjudicataire
Comme nous l’avons vu, les Avocats jouent un rôle majeur dans le processus de vente aux enchères. Cela justifie qu’une partie de leur rémunération leur soit attribuée, à l’issue de la vente, par référence au prix final. C’est ce qu’on appelle l’émolument proportionnel, qui se calcule comme suit :
- Si le prix de vente est inférieur à 6.500 € : 7,397% HT ;
- Si le prix de vente est compris entre 6.500 € et 17.000 € : 3,051% HT ;
- Si le prix de vente est compris entre 17.000 € et 60.000 € : 2,034% HT ;
- Si le prix de vente est supérieur à 60.000 € : 1,526 € HT.
L’émolument proportionnel est alloué aux 3/4 à l’Avocat du Créancier poursuivant et au 1/4 à celui de l’adjudicataire. Il se distingue des honoraires, librement déterminées entre l’Avocat et son client.
Vous envisagez l’acquisition d’un bien aux enchères ?
Comme vous l’aurez compris, la procédure de vente aux enchères peut être une excellente façon d’acheter un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur marchande. Le caractère entièrement judiciaire de cette procédure, les usages qui peuvent varier d’un tribunal à l’autre et les conditions strictes à remplir pour être déclaré adjudicataire rendent toutefois impérative l’intervention d’un Avocat.
Inscrit au Barreau de Bordeaux , le Cabinet Citizen Avocats peut vous représenter et vous assister dans le cadre des procédures d’adjudication qui se déroulent devant le Tribunal Judiciaire de notre ville. Aussi, n’hésitez-pas à nous contacter à ce sujet !